LƓuvre reprĂ©sentĂ©e est un poĂšme intitulĂ© : « Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » . Robert Desnos est de nationalitĂ© française est nĂ© en 1900 Ă  Paris puis, dĂ©portĂ© en TchĂ©coslovaquie en FĂ©vrier 1944 oĂč il dĂ©cĂšde du Typhus aprĂšs l'arrivĂ©e des alliĂ©s Ă  Terezin en 1945. Cette Ɠuvre a Ă©tĂ© publiĂ©e initialement le 14

Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre
 par Robert DESNOS Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille ! Ce cƓur qui ne battait qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit, VoilĂ  qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de haine. Et qu’il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent, Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagne, Comme le son d’une cloche appelant Ă  l’émeute et au combat. Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyĂ© par les Ă©chos. Mais non, c’est le bruit d’autres cƓurs, de millions d’autres cƓurs battant comme le mien Ă  travers la France. Ils battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces cƓurs, Leur bruit est celui de la mer Ă  l’assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres Et des millions de Français se prĂ©parent dans l’ombre Ă  la besogne que l’aube proche leur imposera. Car ces cƓurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. in L’Honneur des poĂštes 1943PoĂšme postĂ© le 02/06/15 par Rickways PoĂšte
ï»ż15sept. 2013 - Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre, Desnos, 1945. 15 sept. 2013 - Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre, Desnos, 1945. Pinterest. Aujourd'hui. Explorer. Lorsque les rĂ©sultats de saisie automatique sont disponibles, utilisez les flĂšches Haut et Bas pour vous dĂ©placer et la touche EntrĂ©e pour sĂ©lectionner. Pour les utilisateurs d'un appareil tactile, explorez en appuyant ou en
CHƒUR trĂšs pressĂ© et comme se chevauchant Craie et silex et herbe et craie et silex Et silex et poussiĂšre et craie et silex Herbe, herbe et silex et craie, silex et craie ralenti Silex, silex et craie Et craie et silex Et craie
 UNE VOIX Quelque part entre l’Hay-les-Roses Et Bourg-la-Reine et Antony Entre les roses de l’Hay Entre Clamart et Antony CHƒUR trĂšs rythmĂ© Craie et silex — craie et silex Et craie Et silex et craie et silex et craie Et silex UNE VOIX Entre les roses de l’Hay Et les arbres de Clamart Avez-vous vu la sirĂšne La sirĂšne d’Antony Qui chantait Ă  Bourg-la-Reine Et qui chante encore Ă  Fresnes. CHƒUR Sol de CompiĂšgne ! Terre grasse et cependant stĂ©rile Terre de silex et de craie Dans ta chair Nous marquons l’empreinte de nos semelles Pour qu’un jour la pluie de printemps S’y repose comme l’Ɠil d’un oiseau Et reflĂšte le ciel, le ciel de CompiĂšgne Avec tes images et tes astres Lourd de souvenirs et de rĂȘves Plus dur que le silex Plus docile que la craie sous le couteau UNE VOIX À Paris prĂšs de Bourg-la-Reine J’ai laisse seules mes amours Ah ! que les bercent les sirĂšnes Je dors tranquille, oh ! mes amours Et je cueille, Ă  l’Hay, les roses Que je vous porterai un jour Alourdies de parfums et de rĂȘves Et, comme vos paupiĂšres, Ă©closes Au clair soleil d’une vie moins brĂšve Pleine d’éclairs comme un silex, Lumineuse comme la craie CHƒUR alternĂ© Et craie et silex et silex et craie Sol de CompiĂšgne ! Sol fait pour la marche Et la longue station des arbres, Sol de CompiĂšgne ! Pareil Ă  tous les sols du monde, Sol de CompiĂšgne ! Un jour nous secouerons notre poussiĂšre Sur ta poussiĂšre Et nous partirons en chantant. UNE VOIX Nous partirons en chantant En chantant vers nos amours La vie est brĂšve et bref le temps. AUTRE VOIX Rien n’est plus beau que nos amours AUTRE VOIX Nous laisserons notre poussiĂšre Dans la poussiĂšre de CompiĂšgne scandĂ© Et nous emporterons nos amours Nos amours qu’il nous en souvienne CHƒUR Qu’il nous en souvienne. LectureAnalytique n°4 : Robert Desnos, "Ce coeur qui haĂźssait la guerre" La sĂ©quence que nous avons Ă©tudiĂ©s et qui porte sur l'expression poĂ©tique de la rĂ©volte contre la guerre nous amĂšnera Ă  nous poser ce qu'est l'Ă©criture poĂ©tique ainsi que la quĂȘte du sens du Moyen-Age Ă  nos jours. Robert Desnos nĂ© en 1900 et mort en 1945 est
Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu'il bat pour le combat et la bataille ! Ce cƓur qui ne battait qu'au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit, VoilĂ  qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de haine. Et qu'il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagne Comme le son d'une cloche appelant Ă  l'Ă©meute et au combat. Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyĂ© par les non, c'est le bruit d'autres cƓurs, de millions d'autres cƓurs battant comme le mien Ă  travers la France. Ils battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer Ă  l'assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d'ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot libertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres Et des millions de Français se prĂ©parent dans l'ombre Ă  la besogne que l'aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. traduction en anglaisanglais This heart that used to hate war This heart that used to hate war is now beating for fighting and battle! This heart that used to beat to the rhythm of tides and seasons, to the hours of day and night, is now pumping furiously into the veins a blood that burns with salpetre and hatred. And it causes such a din in the brains that it makes the ears whistle and this noise can't possibly fail to spread across the city and the country, like the tone of a bell calling to insurrection and fighting. Listen, I hear it coming back to me, sent back by these are no echoes, but the sound of hearts, millions of other hearts beating like mine across France. They beat to the same rhythm, for the same task, all these hearts, their sound is that of the sea assaulting the cliffs. And all this blood carries into the brains a single motto Revolt against Hitler and death to his supporters! And yet this heart used to hate war and beat to the rhythm of the seasons, but a single word freedom was enough to wake the old angers, and millions of French people are getting ready in the shadows for the task that a dawn soon to come will force upon them. For these hearts that used to hate war were beating for freedom, to the very rhythm of seasons and tides, of day and night. PubliĂ© par InvitĂ©e Dim, 27/05/2018 - 0924

LADESNOS, « CE COEUR QUI HAISSAIT LA GUERRE » > PoĂšte surrĂ©aliste au dĂ©but de sa carriĂšre > Pdt l'occupation, il vit Ă  Paris, travaille comme journaliste . Il entre en 42 ds la rĂ©sistance avec groupe « agir » (fabrique des fx papiers pr Juifs et rĂ©sistants). Continue Ă  Ă©crire des poĂšmes. ArrĂȘtĂ© en fĂ©v 44, dĂ©portĂ© en TchĂ©coslovaquie ds un camp, meurt le 8 juin 45

Robert Desnos appartient au mouvement surrĂ©aliste aux cĂŽtĂ©s de Eluard, Breton et Aragon. Il s'engage politiquement pendant la Seconde Guerre Mondiale et entre dans la RĂ©sistance en 1941 Ă  la suite de la rafle du Vel'd'hiv. ArrĂȘtĂ© en 1944, il meurt du typhus dans le camps de concentration de Terezin en TchĂ©coslovaquie au moment en de la libĂ©ration des camps. DestinĂ©e arbitraire» est un recueil de textes Ă©crit pendant la SGM et publiĂ© en 1975. Le poĂšme Ce coeur qui haĂŻssait la guerre» a Ă©tĂ© publiĂ© clandestinement le 14 juillet 1943 dans la revue l'honneur des poĂštes». Il y Ă©voque son engagement, c'est un exemple de poĂ©sie engagĂ©e. PROBLEMATIQUE Quel message le poĂšte fait-il passer dans ce texte ? I- L'appel au combat malgrĂ© le paradoxe initial II- Un engagement Ă  la RĂ©sistance au nom de la libertĂ© dans le contexte de la SGM. I- L'appel au combat malgrĂ© le paradoxe initial 1- Le paradoxe initial Le 1er Ă©voque, Ă  travers l'emploi de l'imparfait, haĂŻssait» et le prĂ©sent bat», un opposition entre deux attitudes le pacifisme avant la guerre et le prĂ©sent sous l'occupation nazie oĂč il veut combattre l'opposition. Un jeu de mot liĂ© Ă  la mĂ©taphore du coeur ce coeur» dĂ©signe le poĂšte. La mĂ©taphore est filĂ©e avec le verbe battre qui a un double sens qui va conduire au combat, ainsi que les battements du coeur. La reprise des sonoritĂ©s bat, combat, bataille qui vont dans la mĂȘme idĂ©e de battre et de se battre. 2- Du combat individuel au combat collectif Le poĂšme suit une progression du singulier au pluriel ce coeur» l1 est repris en anaphore ligne 3 mais en progression ligne 13 d'autres coeurs» ; de millions d'autres coeurs» ; tous ces coeurs» l14 ; ces coeurs» l23 qui renvoient au chiffre hyperbolique des millions de français l21 et des millions de cervelles 16. 3- Un combat qui s'Ă©tend dans l'espace Ce combat doit s'Ă©tendre partout en France l13 dans la ville et la campagne 8 et 9. L'expansion de se mouvement de rĂ©volte est exprimĂ© Ă  travers le champs lexical du bruit c'est le bruit d'autres coeurs» l12 ; je l'entends qui me revient envoyĂ© par les Ă©chos» l11. Le combat se dĂ©place comme les zones sonores dans l'espace. 4- L'image du combat violent et acharnĂ© La violence du combat est suggĂ©rĂ©e par la mĂ©taphore de la ligne 15 leur bruit est celui de la mer Ă  l'assaut des falaises». La mer dĂ©signe les rĂ©sistants qui vont affronter les nazis. II- Un engagement Ă  la RĂ©sistance au nom de la libertĂ© dans le contexte de la SGM. 1- Un amoureux de la vie Il Ă©voque le rythme naturel du temps l3-4. L'aspect cyclique des marĂ©es, saisons, jours et nuits. Ces cycles renvoient donc Ă  la vie. Mais l'amour de la vie sans la libertĂ© n'a pas de sens. 2- Le combat au nom de la libertĂ© La libertĂ© est la raison ou la justification de son combat. La LibertĂ© avec une majuscule l20 est une des valeurs de la RĂ©publique, on se bat pour elle. L'ennemi est clairement dĂ©signĂ© Ă  la ligne 18 rĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans!». 3- L'espoir dans la victoire Le futur est Ă©voquĂ© Ă  la ligne 22 et donc l'avenir de la victoire prochaine. L'image de l'aube marque le dĂ©but d'une nouvelle Ăšre qui va aboutir au triomphe des rĂ©sistants. CONCLUSION Ce poĂšme est un appel Ă  la rĂ©sistance dans le cadre de la SGM. Le poĂšte dĂ©passe le paradoxe initial pour entrainer avec lui dans un mĂȘme combat pour la libertĂ© l'ensemble des français. C'est un homme attachĂ© Ă  la vie pour qui l'absence de libertĂ© est un non-sens. La date de publication du poĂšme, le 14 juillet 1943 est hautement symbolique. Desnos est un exemple des poĂštes engagĂ©s.
Lecturedu poĂšme « Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » de Robert Desnos, par Olivier de l’« Atelyre », atelier de lecture Ă  voix haute du lycĂ©e Blaise Pascal et
Auteurs français â–ș XXe siĂšcle â–ș vous ĂȘtes iciAuteurs françaisRobert Desnos1900 – 1945Sommaire La jeunesse parisienne Les premiers Ă©crits d’aprĂšs-guerre Le SurrĂ©alisme est Ă  l’ordre du jour et Desnos est son prophĂšte » Une poĂ©sie influencĂ©e par les deux sƓurs parallĂšles du ciel et de l’OcĂ©an » Une exclusion dĂ©terminante Desnos rĂ©sistant Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre
 » Bibliographie Citations choisies Robert Desnos, nĂ© le 4 juillet 1900 Ă  Paris et mort du typhus le 8 juin 1945, est Ă©crivain et poĂšte jeunesse parisienneNĂ© le 4 juillet 1900 dans le XIĂšme arrondissement de Paris, Robert Desnos a grandi dans la capitale et il est Ă©levĂ© dans un milieu petit-bourgeois. Les charmes pittoresques du quartier populaire des Halles, dans lequel s’installa quelque temps sa famille, marquent profondĂ©ment la mĂ©moire du futur poĂšte, nourrie d’images insolites et chatoyantes enseignes de magasins, articles et marchands insolites, couvertures et supplĂ©ments des journaux illustrĂ©s. À l’école, Robert Desnos s’ennuie. Il se plonge dans des lectures en marge de l’école et lit les Ɠuvres de Victor Hugo ou de Charles Baudelaire en parallĂšle avec les romans policiers d’Émile Gaboriau ou les romans-feuilletons d’EugĂšne Sue. Le jeune Robert Desnos s’intĂ©resse en effet Ă  la culture populaire les hĂ©ros des feuilletons littĂ©raires Nick Carter ; FantĂŽmas ; Buffalo Bill ou les Ă©vĂšnements qui dĂ©fraient la chronique de ce dĂ©but de siĂšcle la bande Ă  Bonnot » retiennent particuliĂšrement son attention. L’imagerie moderne et la littĂ©rature qui imprĂšgnent le monde imaginaire de son enfance l’incitent Ă  mettre fin Ă  ses Ă©tudes aprĂšs l’obtention de son brevet Ă©lĂ©mentaire en 1916. Refusant de poursuivre une carriĂšre dans le commerce, Ă  laquelle le destine son pĂšre, il ambitionne de devenir poĂšte. Quittant le foyer familial dĂšs l’ñge de seize ans, il travaille alors comme commis dans une droguerie et se forge une solide culture autodidacte qu’il assume Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas mĂ©taphysicien
 Et j’aime le vin pur ».Les premiers Ă©crits d’aprĂšs-guerreC’est Ă  partir de 1918, dans la revue Ă  tendance socialiste, La Tribune des jeunes, qu’il commence Ă  publier ses premiers poĂšmes et Ă  frĂ©quenter des anti-conformistes. Peu Ă  peu introduit dans les milieux littĂ©raires d’avant-garde, il se lie d’amitiĂ© avec le journaliste Henri Jeanson, la militante anarchiste Rirette MaĂźtrejean ou bien encore l’écrivain Armand Salacrou. L’annĂ©e 1919 est marquĂ©e par la publication de ses poĂšmes Prospectus, Le fard des Argonautes et L’ode Ă  Coco dans la revue avant-gardiste Le Trait d’union. La mĂȘme annĂ©e, il devient secrĂ©taire du journaliste Jean de Bonnefon puis responsable de sa maison d’édition. GrĂące au soutien du poĂšte Louis de Gonzague Frick, il a accĂšs Ă  diverses revues Lutetia, Dits modernes. C’est Ă  cette Ă©poque qu’il rencontre Benjamin PĂ©ret et Roger Vitrac. Il dĂ©couvre aussi le mouvement Dada, courant de contestation culturelle alors en plein essor, qui prĂŽne la remise en cause ludique de toutes les conventions idĂ©ologiques et politiques. Mais en 1920, le service militaire interrompt pour deux ans ses rencontres insolites. À son retour Ă  Paris en 1922, le mouvement Dada s’essouffle et AndrĂ© Breton, l’initiateur du mouvement surrĂ©aliste, lance une nouvelle aventure en publiant LĂąchez tout dansla revue LittĂ©rature. C’est par l’intermĂ©diaire de Benjamin PĂ©ret que Robert Desnos rencontre AndrĂ© Breton et s’intĂšgre au groupe de la revue LittĂ©rature, dont font partie Louis Aragon, Paul Éluard ou RenĂ© Crevel. Le SurrĂ©alisme est Ă  l’ordre du jour et Desnos est son prophĂšte »Cette affirmation d’AndrĂ© Breton, publiĂ©e dans le Journal littĂ©raire en 1924, de en dit long sur l’éclatante participation de Desnos aux expĂ©rimentations du groupe surrĂ©aliste. Celui-ci s’impose en effet par son exceptionnelle facultĂ© Ă  expĂ©rimenter les limites du langage Ă  travers l’écriture automatique, les sommeils hypnotiques, les rĂ©cits de rĂȘves ou de fantasmes. Ces expĂ©riences sont autant d’occasions pour lui d’explorer, selon sa propre formule, les espaces du sommeil ». Lors des sĂ©ances de sommeil organisĂ©es par les membres du groupe surrĂ©aliste, Desnos rĂ©pond aux questions des assistants, esquisse des dessins, amorce des poĂšmes. De fait, AndrĂ© Breton le prĂ©sente comme celui qui parle surrĂ©aliste Ă  volontĂ© » dans le Manifeste du surrĂ©alisme 1924. ParallĂšlement Ă  ces expĂ©riences insolites, Desnos prend part aux diverses manifestations du groupe il signe les dĂ©clarations et Ă©crit rĂ©guliĂšrement dans la cĂ©lĂšbre revue La RĂ©volution surrĂ©aliste. Pour vivre, il travaille comme comptable des publications mĂ©dicales de la Librairie BaillĂšre, courtier de publicitĂ© pour un annuaire industriel ou caissier du journal Paris-Soir. Son premier recueil narratif, Deuil pour deuil, paraĂźt en 1924. À partir de 1925, grĂące Ă  ses amitiĂ©s dans le milieu du journalisme, il devient journaliste Ă  Paris-Soir, puis aux journaux Le Soir et Paris-Matinal. Ces derniĂšres activitĂ©s journalistiques ainsi que la rĂ©daction de chroniques cinĂ©matographiques et de scĂ©narios de cinĂ©ma le rendent moins assidu aux rĂ©unions surrĂ©alistes. En 1927, alors que Breton, Aragon, Éluard et PĂ©ret dĂ©fendent leur engagement politique au parti communiste, Desnos soutient que l’activitĂ© du groupe est incompatible avec une action militante Ă  ce parti. Ce premier dĂ©saccord prĂ©sage la rupture progressive avec le groupe poĂ©sie influencĂ©e par les deux sƓurs parallĂšles du ciel et de l’OcĂ©an »Cette formule extraite du poĂšme Siramour illustre l’importance majeure de deux rencontres fĂ©minines dans la vie de Desnos. Au dĂ©but des annĂ©es 1920, il tombe profondĂ©ment amoureux de la chanteuse de music-hall Yvonne George, qu’il reprĂ©sente Ă  travers le symbole poĂ©tique de l’étoile. Son ami ThĂ©odore Fraenkel rend compte de l’envers malheureux de cette passion inspiratrice Son amour pour Yvonne George fut violent, douloureux, inlassablement attentif. Il ne fut jamais partagĂ© ». De ce dĂ©sespoir amoureux naissent les poĂšmes Á la mystĂ©rieuse puis L’étoile de mer. Ce dernier sert de motif Ă  un court mĂ©trage rĂ©alisĂ© par Man Ray en 1928. La publication de La LibertĂ© ou l’amour en 1927 provoque un scandale et entraĂźne un procĂšs le tribunal correctionnel de la Seine supprime l’épisode licencieux du Club des buveurs de la mort prĂ©maturĂ©e d’Yvonne George en 1930, Desnos gagne le cƓur de Lucie Badoud, surnommĂ©e Youki par le peintre japonais Foujita dont elle fut la maĂźtresse et la muse. Youki Foujita trouve sa figuration poĂ©tique dans l’image de la sirĂšne Ă  laquelle rĂ©pond celle de l’hippocampe pour le poĂšte. Le poĂšme Siramour marque ce renouveau dans la vie amoureuse de Desnos, qui passe symboliquement de l’amour d’une Ă©toile – figure intangible et disparue – Ă  celui d’une sirĂšne vivante et charnelle. Il Ă©crit pour Youki des poĂšmes-chansons recueillis dans Le livre des secrets et Les nuits blanches. Mais la vie du couple est matĂ©riellement difficile pour subsister, Desnos fait de la gĂ©rance d’immeubles, Ă©crit pour l’Agence LittĂ©raire Internationale et fait quelques confĂ©rences Ă  exclusion dĂ©terminanteLes poĂšmes influencĂ©s par la culture populaire que Robert Desnos Ă©crit Ă  la fin des annĂ©es 1920 ainsi que son activitĂ© journalistique sont vivement attaquĂ©s par AndrĂ© Breton. Les liens tendus avec le groupe surrĂ©aliste se rompent dĂ©finitivement en 1930, peu aprĂšs la publication du Second Manifeste du surrĂ©alisme dans lequel Breton reproche Ă  Desnos sa grande complaisance envers soi-mĂȘme ». Cette annĂ©e-lĂ , Desnos publie l’ensemble de ses poĂšmes publiĂ©s en revue de 1919 Ă  1929 dans le recueil Corps et biens. GrĂące Ă  Paul Deharme, avec qui il rĂ©alise l’émission de radio Ă  succĂšs, La grande complainte de Fantomas, Desnos s’engage dans une carriĂšre radiophonique et dĂ©laisse petit Ă  petit la presse Ă©crite. Cette activitĂ© le passionne au point de vouloir Ă©riger une culture et un art radiophoniques. Il se consacre parallĂšlement Ă  la musique en Ă©crivant des chansons de variĂ©tĂ©, des lyrics de films et des cantates ainsi qu’au cinĂ©ma en rĂ©digeant des projets de films, des commentaires de documentaires cinĂ©matographiques et des rĂ©sistant Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre
 »AlarmĂ© par la montĂ©e du fascisme en Europe, son engagement politique ne cesse de croĂźtre dans les annĂ©es 1930. C’est ainsi qu’il adhĂšre au Front populaire et aux mouvements d’intellectuels antifascistes, comme l’Association des Ă©crivains et artistes rĂ©volutionnaires ou le ComitĂ© de vigilance des Intellectuels antifascistes. Tout au long des annĂ©es 1930, Desnos s’engage clairement contre le fascisme et l’antisĂ©mitisme. ProfondĂ©ment marquĂ© par la guerre civile qui se joue en Espagne de 1936 en 1939, il renonce petit Ă  petit Ă  ses positions pacifistes. Selon lui, la guerre est inĂ©vitable et la France doit s’y prĂ©parer tant physiquement que moralement. Ainsi, lorsque la guerre Ă©clate le 3 septembre 1939, Desnos est mobilisĂ© et son rĂ©giment est envoyĂ© en Lorraine. MalgrĂ© la dĂ©bĂącle de juin 1940 et l’occupation de Paris, Desnos ne se dĂ©courage pas et devient rĂ©sistant. AprĂšs l’arrestation d’Henri Jeanson et malgrĂ© la censure allemande Ă  laquelle est soumis le quotidien Aujourd’hui, Desnos ruse et publie des articles de littĂ©rature qui encouragent Ă  lutter pour la libertĂ©. Les annĂ©es 1940 sont marquĂ©es par les activitĂ©s clandestines du poĂšte. DĂšs juillet 1942, il devient un membre actif du rĂ©seau Agirauquel il transmet des informations confidentielles parvenues au quotidien Aujourd’hui. ParallĂšlement, il fabrique de faux papiers pour les Juifs et les rĂ©sistants. Durant cette pĂ©riode, il publie des poĂšmes dans des revues clandestines sous son nom ou sous le masque de pseudonymes. Il rassemble ses derniers poĂšmes Ă©crits dans les recueils Fortunes et Etat de veille, publiĂ©s respectivement en 1942 et 1943. Sa lutte contre le nazisme se poursuit dans ses derniĂšres productions, comme Le MarĂ©chal Ducono, sonnet en argot attaquant PĂ©tain, ou Le Veilleur du Pont-au-Change. Le 22 fĂ©vrier 1944, il est arrĂȘtĂ© Ă  son domicile et incarcĂ©rĂ© Ă  Fresnes avant d’ĂȘtre transfĂ©rĂ© au camp de Royallieu Ă  CompiĂšgne. Au mois de juin, un groupe de cent quatre vingt cinq hommes, dont Desnos, est acheminĂ© vers le camp de Floha en Saxe. Pendant prĂšs d’un an, Desnos survit dans des conditions extrĂȘmement dures mais continue Ă  Ă©crire de nombreuses lettres Ă  Youki qui tĂ©moignent de sa rĂ©sistance. En avril 1945, il est transfĂ©rĂ© au camp de Terezin, en TchĂ©coslovaquie, oĂč il meurt du typhus le 8 juin 1945. Dans le discours prononcĂ© lors de la remise des cendres du poĂšte, Paul Éluard rend hommage au courage Ă  la fois moral et poĂ©tique de Robert Desnos Jusqu’à la mort, Desnos a luttĂ©. Tout au long de ses poĂšmes l’idĂ©e de libertĂ© court comme un feu terrible, le mot de libertĂ© claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poĂ©sie de Desnos, c’est la poĂ©sie du courage ».Bibliographie Rose SĂ©lavy 1922-1923 Le PĂ©lican L’Aumonyme 1923 Langage cuit 1923 Deuil pour deuil 1924 La LibertĂ© ou l’Amour 1927 Les TĂ©nĂšbres 1927 Corps et biens 1930 Sans cou 1934 Fortunes 1942 État de veille 1943 Le vin est tirĂ© 1943 Le Veilleur du pont-au-change Le Souci 1943 L’Honneur des poĂštes 1943 ContrĂ©e 1944 Le Bain avec AndromĂšde 1944 Rue de la GaitĂ© ; Voyage en Bourgogne ; PrĂ©cis de cuisine pour les jours heureux 1947, publication posthume La Complainte de FantĂŽmas 1954, publication posthume Chantefables et chantefleurs 1970, publication posthume DestinĂ©e arbitraire 1975, publication posthume Nouvelles-HĂ©brides et autres textes 1978, publication posthumeCitations choisies Vous qui n’avez pas peur de la mort essayez donc un peu l’ennui. Il ne vous servira plus Ă  rien par la suite de mourir. La LibertĂ© ou l’Amour Nul paradis n’est permis Ă  qui s’est rendu compte un jour de l’existence de l’infini. La LibertĂ© ou l’Amour Un cƓur c’est aussi un petit pois qui germera ridiculement, dans la destinĂ©e d’accompagner de façon anonyme la dĂ©pouille mortelle d’un canard sauvage, sur un plat d’argent, dans une sauce richement colorĂ©e. La LibertĂ© ou l’Amour Le parfum des dĂ©esses berce la paresse des dĂ©funts. La revue LittĂ©rature – DĂ©cembre 1922 Tout sur terre est baroque. Le bateau n’est pas plus fait pour la mer que pour le ciel. Nouvelles-HĂ©brides et autres textes Plus grande est notre fortune – Et plus sombre est notre sort. Le Bain avec AndromĂšde Les disciples de la lumiĂšre n’ont jamais inventĂ© que des tĂ©nĂšbres peu opaques. Corps et biens La surprenante mĂ©tamorphose du sommeil nous rend Ă©gaux aux dieux. Deuil pour deuil Aimable souvent est sable mouvant. Corps et biens De mĂȘme qu’en 1789 la monarchie absolue fut renversĂ©e, il faut en 1925 abattre la divinitĂ© absolue. Il y a quelque chose de plus fort que Dieu. Il faut rĂ©diger la DĂ©claration des droits de l’ñme, il faut libĂ©rer l’esprit, non pas en le soumettant Ă  la matiĂšre, mais en lui soumettant Ă  jamais la matiĂšre ! La LibertĂ© ou l’Amour→ Autres citations de Robert connexes Auteurs du XXe siĂšcle. Histoire de la France Le XXe siĂšcle. Courants littĂ©raires du XXe siĂšcle Le dadaĂŻsme, le SurrĂ©alisme, l’Existentialisme, le Nouveau roman. Exercice Le surrĂ©alisme. LumiĂšre sur
 LittĂ©rature et engagement au XXe siĂšcle. L’AcadĂ©mie française. Suggestion de livresRecherche sur le site Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre » de Robert Desnos PrĂ©sentation: La poĂ©sie, Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre, date de 1943. Son auteur, Robert Desnos, est souvent associĂ© Ă  la seconde guerre mondial de part son engagement Ă  la rĂ©sistance qu'il illustre dans des poĂšmes qu'il publie clandestinement. LES GRANDS JOURS DU POÈTE Les disciples de la lumiĂšre n’ont jamais inventĂ© que des tĂ©nĂšbres peu opaques. La riviĂšre roule un petit corps de femme et cela signifie que la fin est proche. La veuve en habits de noce se trompe de convoi; nous arrivons tous en retard Ă  notre tombeau. Un navire de chair s’enlise sur une petite plage. Le timonier invite les passagers Ă  se taire. Les flots attendent impatiemment plus prĂšs de Toi ĂŽ mon dieu. Le timonier invite les flots Ă  parler. Ils parlent. La nuit cachetĂ© ses bouteilles avec des Ă©toiles et fait fortune dans l’exportation. De grands comptoirs se construisent pour vendre des rossignols. Mais ils ne peuvent satisfaire aux dĂ©sirs de la reine de SibĂ©rie qui veut un rossignol blanc. Un commodore anglais jure qu’on ne le prendra plus Ă  cueillir la sauge la nuit entre les pieds des statues de sel. A ce propos une petite saliĂšre CĂ©rĂ©bos se dresse avec difficultĂ© sur ses jambes fines. Elle verse dans mon assiette ce qu’il me reste Ă  vivre. De quoi saler l’ocĂ©an Pacifique. Vous mettrez sur ma tombe une bouĂ©e de sauvetage. Parce qu’on ne sait jamais. C’est les bottes de 7 lieues cette phrase, je ma vois. – 1927 . . . PORTE DU SECOND INFINI A Antonin Artaud. L’encrier pĂ©riscope me guette au tournant mon porte-plume rentre dans sa coquille. La feuille de papier dĂ©ploie ses grandes ailes blanches Avant peu ses deux serres m’arracheront les yeux. Je n’y verrai que du feu mon corps feu mon corps Vous eĂ»tes l’occasion de le voir en grand appareil le jour de tous les ridicules. Les femmes mirent leurs bijoux dans leur bouche comme DĂ©mosthĂšne. Mais je suis inventeur d’un tĂ©lĂ©phone de verre de BohĂȘme et de tabac anglais en relation directe avec la peur! C’est les bottes de 7 lieues cette phrase, je me vois – 1926 . . . IDEAL MAÎTRESSE Je m’étais attardĂ© ce matin-lĂ  Ă  brasser les dents d’un joli animal que, patiemment, j’apprivoise. C’est un camĂ©lĂ©on. Cette aimable bĂȘte fuma, comme Ă  l’ordinaire, quelques cigarettes puis je partis. Dans l’escalier je la rencontrai. Je mauv » me dit-elle et tandis que moi–mĂȘme je cristal Ă  pleine ciel-je Ă  son regard qui fleuve vers moi. Or il serrure et, maĂźtresse! Tu pichpin qu’a joli vase je me chaise si les chemins tombeaux. L’escalier, toujours l’escalier qui bibliothĂšque et la foule au bas plus abĂźme que le soleil ne cloche. Remontons! mais en vain, les souvenirs se sardine! Ă  peine, Ă  peine un bouton tirelire-t-il. Tombez, tombez! En voici le verdict La danseuse sera fusillĂ©e Ă  l’aube en tenue de danse avec ses bijoux immolĂ©s au feu de son corps. Le sang des bijoux, soldats! » Eh quoi, dĂ©jĂ  je miroir. MaĂźtresse tu carrĂ© noir et si les nuages de tout l’heure myosotis, ils moulins dans la toujours prĂ©sente Ă©ternitĂ©. Langage cuit – 1932 . . . A la faveur de la nuit Se glisser dans ton ombre Ă  la faveur de la nuit. Suivre tes pas, ton ombre Ă  la fenĂȘtre. Cette ombre Ă  la fenĂȘtre c’est toi, ce n’est pas une autre, c’est toi. N’ouvre pas cette fenĂȘtre derriĂšre les rideaux de laquelle tu bouges. Ferme les yeux. Je voudrais les fermer avec mes lĂšvres. Mais la fenĂȘtre s’ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau. La fenĂȘtre s’ouvre ce n’est pas toi. Je le savais bien. A la MystĂ©rieuse, 1926 . . . Demain ÂgĂ© de cent-mille ans, j’aurais encore la force De t’attendre, o demain pressenti par l’espoir. Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses, Peut gĂ©mir neuf est le matin, neuf est le soir. Mais depuis trop de mois nous vivons Ă  la veille, Nous veillons, nous gardons la lumiĂšre et le feu, Nous parlons Ă  voix basse et nous tendons l’oreille A maint bruit vite Ă©teint et perdu comme au jeu. Or, du fond de la nuit, nous tĂ©moignons encore De la splendeur du jour et de tous ses prĂ©sents. Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore Qui prouvera qu’enfin nous vivons au prĂ©sent. État de veille, 1942 . . . Ce coeur qui haĂŻssait la guerre Ce coeur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille ! Ce coeur qui ne battait qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit, VoilĂ  qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de haine. Et qu’il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagne Comme le son d’une cloche appelant Ă  l’émeute et au combat. Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyĂ© par les Ă©chos. Mais non, c’est le bruit d’autres coeurs, de millions d’autres coeurs battant comme le mien Ă  travers la France. Ils battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer Ă  l’assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! Pourtant ce coeur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres Et des millions de Francais se prĂ©parent dans l’ombre Ă  la besogne que l’aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. . . . Le veilleur du Pont-au-Change » Je suis le veilleur de la rue de Flandre, Je veille tandis que dort Paris. Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit. J’entends passer des avions au-dessus de la ville. Je suis le veilleur du Point-du-Jour. La Seine se love dans l’ombre, derriĂšre le viaduc d’Auteuil, Sous vingt-trois ponts Ă  travers Paris. Vers l’ouest j’entends des explosions. Je suis le veilleur de la Porte DorĂ©e. Autour du donjon le bois de Vincennes Ă©paissit ses tĂ©nĂšbres. J’ai entendu des cris dans la direction de CrĂ©teil Et des trains roulent vers l’est avec un sillage de chants de rĂ©volte. Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers. Le vent du sud m’apporte une fumĂ©e Ăącre, Des rumeurs incertaines et des rĂąles Qui se dissolvent, quelque part, dans Plaisance ou Vaugirard. Au sud, au nord, Ă  l’est, Ă  l’ouest, Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris. Je suis le veilleur du Pont-au-Change Veillant au cƓur de Paris, dans la rumeur grandissantev OĂč je reconnais les cauchemars paniques de l’ennemi, Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français, Les cris de souffrance de nos frĂšres torturĂ©s par les Allemands d’Hitler. Je suis le veilleur du Pont-au-Change Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris, Cette nuit de tempĂȘte sur Paris seulement dans sa fiĂšvre et sa fatigue, Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse. Dans l’air froid tous les fracas de la guerre Cheminent jusqu’à ce lieu oĂč, depuis si longtemps, vivent les hommes. Des cris, des chants, des rĂąles, des fracas il en vient de partout, Victoire, douleur et mort, ciel couleur de vin blanc et de thĂ©, Des quatre coins de l’horizon Ă  travers les obstacles du globe, Avec des parfums de vanille, de terre mouillĂ©e et de sang, D’eau salĂ©e, de poudre et de bĂ»chers, De baisers d’une gĂ©ante inconnue enfonçant Ă  chaque pas dans la terre grasse de chair humaine. Je suis le veilleur du Pont-au-Change Et je vous salue, au seuil du jour promis Vous tous camarades de la rue de Flandre Ă  la Poterne des Peupliers, Du Point-du-Jour Ă  la Porte DorĂ©e. Je vous salue vous qui dormez AprĂšs le dur travail clandestin, Imprimeurs, porteurs de bombes, dĂ©boulonneurs de rails, incendiaires, Distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages, Je vous salue vous tous qui rĂ©sistez, enfants de vingt ans au sourire de source Vieillards plus chenus que les ponts, hommes robustes, images des saisons, Je vous salue au seuil du nouveau matin. Je vous salue sur les bords de la Tamise, Camarades de toutes nations prĂ©sents au rendez-vous, Dans la vieille capitale anglaise, Dans le vieux Londres et la vieille Bretagne, AmĂ©ricains de toutes races et de tous drapeaux, Au-delĂ  des espaces atlantiques, Du Canada au Mexique, du BrĂ©sil Ă  Cuba, Camarades de Rio, de Tehuantepec, de New York et San Francisco. J’ai donnĂ© rendez-vous Ă  toute la terre sur le Pont-au-Change, Veillant et luttant comme vous. Tout Ă  l’heure, PrĂ©venu par son pas lourd sur le pavĂ© sonore, Moi aussi j’ai abattu mon ennemi. Il est mort dans le ruisseau, l’Allemand d’Hitler anonyme et haĂŻ, La face souillĂ©e de boue, la mĂ©moire dĂ©jĂ  pourrissante, Tandis que, dĂ©jĂ , j’écoutais vos voix des quatre saisons, Amis, amis et frĂšres des nations amies. J’écoutais vos voix dans le parfum des orangers africains, Dans les lourds relents de l’ocĂ©an Pacifique, Blanches escadres de mains tendues dans l’obscuritĂ©, Hommes d’Alger, Honolulu, Tchoung-King, Hommes de Fez, de Dakar et d’Ajaccio. Enivrantes et terribles clameurs, rythmes des poumons et des cƓurs, Du front de Russie flambant dans la neige, Du lac Ilmen Ă  Kief, du Dniepr au Pripet, Vous parvenez Ă  moi, nĂ©s de millions de poitrines. Je vous Ă©coute et vous entends. NorvĂ©giens, Danois, Hollandais, Belges, TchĂšques, Polonais, Grecs, Luxembourgeois, Albanais et Yougo-Slaves, camarades de lutte. J’entends vos voix et je vous appelle, Je vous appelle dans ma langue connue de tous Une langue qui n’a qu’un mot LibertĂ© ! Et je vous dis que je veille et que j’ai abattu un homme d’Hitler. Il est mort dans la rue dĂ©serte Au cƓur de la ville impassible j’ai vengĂ© mes frĂšres assassinĂ©s Au Fort de Romainville et au Mont ValĂ©rien, Dans les Ă©chos fugitifs et renaissants du monde, de la ville et des saisons. Et d’autres que moi veillent comme moi et tuent, Comme moi ils guettent les pas sonores dans les rues dĂ©sertes, Comme moi ils Ă©coutent les rumeurs et les fracas de la terre. À la Porte DorĂ©e, au Point-du-Jour, Rue de Flandre et Poterne des Peupliers, À travers toute la France, dans les villes et les champs, Mes camarades guettent les pas dans la nuit Et bercent leur solitude aux rumeurs et fracas de la terre. Car la terre est un camp illuminĂ© de milliers de feux. À la veille de la bataille on bivouaque par toute la terre Et peut-ĂȘtre aussi, camarades, Ă©coutez-vous les voix, Les voix qui viennent d’ici quand la nuit tombe, Qui dĂ©chirent des lĂšvres avides de baisers Et qui volent longuement Ă  travers les Ă©tendues Comme des oiseaux migrateurs qu’aveugle la lumiĂšre des phares Et qui se brisent contre les fenĂȘtres du feu. Que ma voix vous parvienne donc Chaude et joyeuse et rĂ©solue, Sans crainte et sans remords Que ma voix vous parvienne avec celle de mes camarades, Voix de l’embuscade et de l’avant-garde française. Écoutez-nous Ă  votre tour, marins, pilotes, soldats, Nous vous donnons le bonjour, Nous ne vous parlons pas de nos souffrances mais de notre espoir, Au seuil du prochain matin nous vous donnons le bonjour, À vous qui ĂȘtes proches et, aussi, Ă  vous Qui recevrez notre vƓu du matin Au moment oĂč le crĂ©puscule en bottes de paille entrera dans vos maisons. Et bonjour quand mĂȘme et bonjour pour demain ! Bonjour de bon cƓur et de tout notre sang ! Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris, MĂȘme si les nuages le cachent il sera lĂ , Bonjour, bonjour, de tout cƓur bonjour ! . . Repris dans Robert Desnos, DestinĂ©e arbitraire, Paris, Gallimard, 1975 . . . Robert Desnos Source PoĂštes en RĂ©sistance Robert Desnos est nĂ© le 4 juillet 1900 Ă  Paris. Il passe son enfance dans un quartier populaire oĂč son pĂšre, Lucien, est mandataire aux Halles pour la volaille et le gibier. Il lit Hugo et Baudelaire, se passionne pour la culture populaire, les romans et les bandes dessinĂ©es. En 1919, Desnos devient secrĂ©taire de Jean de Bonnefon et gĂ©rant de sa maison d’édition. Dans une revue d’avant-garde, Trait d’union, il publie quelques poĂšmes, parfois influencĂ©s par Apollinaire. Robert Desnos rencontre Benjamin PĂ©ret qui lui fait dĂ©couvrir le mouvement Dada » et lui prĂ©sente AndrĂ© Breton. Il rejoint le groupe des surrĂ©alistes et participe Ă  leurs expĂ©riences – annĂ©es d’expĂ©rimentation du langage et de ses possibilitĂ©s. AndrĂ© Breton lui offre un vĂ©ritable hommage dans le Journal littĂ©raire 5 juillet 1924 Le surrĂ©alisme est Ă  l’ordre du jour et Desnos est son prophĂšte. » Mais peu Ă  peu, les liens avec les surrĂ©alistes vont se distendre, notamment quand Breton, Éluard et Aragon s’engagent activement au parti communiste. Robert Desnos connaĂźt l’aventure radiophonique et se dĂ©place de l’écrit vers des formes orales. L’essentiel est alors de communiquer – la littĂ©rature est un moyen parmi d’autres – et d’estomper les barriĂšres entre milieux cultivĂ©s et milieux incultes. En 1918, Robert Desnos publie des textes dans la Tribune des jeunes, une revue de tendance socialisante ; il est ensuite journaliste Ă  Paris-Soir 1925-1926, puis aux journaux Le Soir 1926-1929, Paris-Matinal 1927-1928 et Le Merle. En 1930, il se contente de donner quelques chroniques dans des hebdomadaires Ă©ditĂ©s par la Nouvelle Revue française les journaux ont fait faillite ou ont interrompu leur publication en raison de la crise qui touche alors sĂ©vĂšrement la France. Desnos s’engage de plus en plus. Son refus d’adhĂ©rer au parti communiste ne signifie pas qu’il se dĂ©sintĂ©resse de la politique. Épris de libertĂ©, son engagement politique ne va cesser de croĂźtre avec la montĂ©e des pĂ©rils ». DĂšs 1934, il participe au mouvement frontiste et adhĂšre aux mouvements d’intellectuels antifascistes comme l’Association des Ă©crivains et artistes rĂ©volutionnaires. ChoquĂ© par la guerre d’Espagne et le refus de Blum d’y engager la France, dans une conjoncture internationale de plus en plus menaçante, Desnos renonce Ă  ses positions pacifistes la France doit se prĂ©parer Ă  la guerre, pour dĂ©fendre son indĂ©pendance, sa culture et son territoire, et pour faire obstacle au fascisme. AprĂšs la dĂ©faite, la vie Ă  Paris est difficile ses activitĂ©s radiophoniques se font rares et sont Ă©troitement surveillĂ©es. Desnos entre comme chef des informations dans le journal d’Henri Jeanson et Robert Perrier, Aujourd’hui. Mais l’indĂ©pendance du journal est de courte durĂ©e Jeanson est arrĂȘtĂ© et le journal devient le porte-parole de l’occupant. Desnos continuera cependant d’y Ă©crire rĂ©guliĂšrement jusqu’en dĂ©cembre 1943 sous son nom, sous pseudonyme ou anonymement. Il ruse avec la censure et doit surveiller ses paroles. Cette activitĂ© lui permet nĂ©anmoins de couvrir ses activitĂ©s dans le rĂ©seau de rĂ©sistance Agir auquel il appartient depuis juillet 1942. Mais le 22 fĂ©vrier 1944, Robert Desnos est arrĂȘtĂ© Ă  son domicile par la Gestapo et dĂ©portĂ© dans plusieurs camps. En avril 1945, il est transfĂ©rĂ© jusqu’en TchĂ©coslovaquie, dans le camp de concentration de Theresienstadt, Ă  Terezin. ÉpuisĂ© par les privations, malade du typhus, il meurt le 8 juin 1945.
Retournerau premier Ă©cran avec les derniĂšres notices DĂ©tail de l'Ă©diteur. Éditeur Seghers localisĂ© Ă  Paris. Collections rattachĂ©es
La voix du poĂšteRobert Desnos - Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre Temps de lecture 3 minutes Le Coeur, par Henri Matisse 1869-1954Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat © Succession H. Matisse Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre voilĂ  qu’il bat pour le combat et la bataille !Ce cƓur qui ne battait qu’au rythme des marĂ©es, Ă  celui des saisons, Ă  celui des heures du jour et de la nuit,VoilĂ  qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brĂ»lant de salpĂȘtre et de haineEt qu’il mĂšne un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflentEt qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se rĂ©pande pas dans la ville et la campagneComme le son d’une cloche appelant Ă  l’émeute et au je l’entends qui me revient renvoyĂ© par les non, c’est le bruit d’autres cƓurs, de millions d’autres cƓurs battant comme le mien Ă  travers la battent au mĂȘme rythme pour la mĂȘme besogne tous ces cƓurs,Leur bruit est celui de la mer Ă  l’assaut des falaisesEt tout ce sang porte dans des millions de cervelles un mĂȘme mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans !Pourtant ce cƓur haĂŻssait la guerre et battait au rythme des saisons,Mais un seul mot LibertĂ© a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšresEt des millions de Français se prĂ©parent dans l’ombre Ă  la besogne que l’aube proche leur ces cƓurs qui haĂŻssaient la guerre battaient pour la libertĂ© au rythme mĂȘme des saisons et des marĂ©es, du jour et de la nuit. Extrait du recueil posthume DestinĂ©e arbitraire Ă©ditĂ© par Marie-Claire Dumas © Gallimard, 1975 Robert Desnos entre dans le rĂ©seau clandestin Agir en 1942. La Gestapo l’arrĂȘte le 22 fĂ©vrier 1944. DĂ©portĂ©, il meurt du typhus Ă  Terezin le 8 juin 1945. Durant les annĂ©es 1920, le pape AndrĂ© Breton l’avait adoubĂ© prophĂšte du surrĂ©alisme. Mais Desnos s’était Ă©mancipĂ© de l’écriture automatique. Il exerçait sa curiositĂ© insatiable Ă  la presse et Ă  la radio, en vers comme en prose. Lui qui fut agent de publicitĂ© mettra son art au service de la RĂ©sistance sans le corrompre. Ce cƓur qui haĂŻssait la guerre
 » paraĂźt en juillet 1943 dans la revue L’Honneur des poĂštes. On y reconnaĂźt le goĂ»t de Desnos pour une langue populaire. Il multiplie les structures prosaĂŻques, choisit une structure argumentaire simple pour une plus grande efficacitĂ©. Les dĂ©monstratifs, les voilĂ , la deuxiĂšme personne d’écoutez contribuent Ă  impliquer le lecteur. Le poĂšme tout entier se fonde sur l’idĂ©e de diffusion. Le battement d’un cƓur Ă©tend son influence dans un individu puis des millions. L’image s’appuie sur les rĂ©alitĂ©s du corps et la symbolique du sang, avant que le poĂšte ne donne Ă  ce bruit les caractĂ©ristiques d’un Ă©lĂ©ment naturel puissant et irrĂ©sistible comme la marĂ©e ou les saisons. Admirez la concision du mot d’ordre RĂ©volte contre Hitler et mort Ă  ses partisans ! » S’il n’y a pas combattu, Robert Desnos reste marquĂ© par le souvenir de la PremiĂšre Guerre. Mais un seul mot a suffi Ă  rĂ©veiller les vieilles colĂšres. Il constatait Ă  la mĂȘme Ă©poque En dĂ©finitive ce n’est pas la poĂ©sie qui doit ĂȘtre libre, c’est le poĂšte. » À lire, ƒuvres en Quarto »chez Gallimard Vous avez aimĂ© ? Partagez-le ! N° 58 27 Mai 2015 Le mot de...ObĂ©issance Robert SolĂ© Je rĂ©siste, tu rĂ©sistes, il rĂ©siste
 On peut rĂ©sister Ă  la chaleur, Ă  la faim ou Ă  la douleur. RĂ©sister Ă  l’envie de fumer ou de flanquer une gifle Ă  un malotru. RĂ©sister au changement ou Ă  l’ai
 Parlons philoOui au Non Michel Onfray RĂ©sister, c’est dire non dans un monde oĂč tout nous invite Ă  dire oui. RĂ©sistant, le philosophe DiogĂšne de Sinope qui, rencontrant Alexandre le Grand dans sa superbe, dit au maĂźtre de l’empire qui lui demandait n’importe que
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